Nous marchons vite pour nous réchauffer. L’air est froid, pur et vibrant. Nous marchons à grand pas, en silence. Une joie naît en mon coeur de retrouver cette forêt unique, de la parcourir encore et de ressentir à nouveau son énergie si particulière. Notre marche vive nous réchauffe petit à petit et rosit nos joues. Notre pas a perdu en nervosité et gagné en souplesse, nos respirations se sont installées sur l’effort régulier.
Mes pieds se régalent du sol inégal en niveaux et en consistances, s’appliquent avec plaisir à suivre les contours et toutes les textures de terres qui se présentent, plus ou moins humides et herbues.
Pas de chant d’oiseau, rien. L’hiver vraiment. Dans une immobilité presque totale, les graines se préparent dans le sol sombre à célébrer le printemps. Sans hâte. Elles seront prêtes au bon moment. Les bourgeons sont là, encore bien fermés sur leurs secrets à venir. Et les chatons des noisetiers jaunes dorés et pendouillants, qu’il fera bon aller visiter en août quand leurs fruits seront à point…
Nous arrivons près du lac triangulaire cher à mon coeur, grande clairière d’eau paisible au sein de la forêt, inhabituellement sauvage. Des canards y folâtrent, un héron blanc s’envole nonchalamment pêcher plus loin à notre approche. Tout est ralenti, épuré, imprégné d’une tranquillité impensable, qui nous arrête comme un mur : muets, saisis par ce calme puissant, bouchées bées… Rien ne peut détacher notre regard de ce havre de paix, de cette oeuvre naturelle qui baigne chacune de nos cellules dans sa sérénité débordante. Une soif que nous ignorions est en train d’être étanchée, quelque chose dans notre profondeur est nourri lentement, copieusement, pleinement dans tous ses coins et recoins.
Nous sommes infusés de sa plénitude.